Sam Eagle’s Jazz Review : Duke Ellington

Je me souviens de la première fois où j’ai entendu le Duke. C’était d’ailleurs mon premier concert de jazz. C’était au King’s Hall, avant l’incendie, du temps où Al King tenait encore la boutique et où on y entendait encore le “meilleur jazz en ville”. Ils étaient magnifiques, les trente musiciens de l’orchestre du Duke, dans leurs impeccables costards blancs, le piano noir laqué, les cuivres rutilants, et Ellington lui-même, l’élégance, le charisme et la musique en personne. Après ce soir mémorable, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais “musicien dans le big band de Duke Ellington”.

Les années ont passé et même si mon rêve de gosse ne s’est jamais réalisé, je garde toujours une affection particulière pour cet orchestre unique en son genre. Dans les années 30, au moment où je l’entendais pour la première fois, Ellington et ses complices inventaient leur propre style de jazz, le “Jungle“, en référence à la fois aux racines africaines et à l’atmosphère chaotiques de nos grandes villes, de New York à Heaven Harbor. Grognements de cuivres, ambiance lourde et sombre parfois déchirée de hurlements de trompettes ou de saxes ; la bande-son parfaite pour ces romans noirs qui font en ce moment les beaux jours de nos libraires.

Depuis, le son d’Ellington a évolué mais reste toujours unique et reconnaissable entre tous : il a refusé de céder à la facilité d’une recette qui aurait fait ses preuves, et explore de nouveaux terrains dans l’harmonie, prend part à d’audacieuses collaborations avec les jeunes “cats” des clubs branchés de New York… C’est ce qui permet à sa musique de rester toujours passionnante et incontestablement moderne.

Sam Eagle

A écouter :

  • The Quintessence (Frémeaux et Associés)
  • Live at Newport (Columbia)