[BD] Soda - Tome, Warnant & Gazzotti, 1987-2005

Soda, c’est le lieutenant David Solomon, flic en costume de pasteur, pour rassurer sa cardiaque de mère, ou pasteur en costume de flic, pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin. Et des brebis égarées, à New York, il y en a.

Le monde qu’il arpente, une croix agrafé sur le cœur et un colt python dans la main, est peuplé de flics corrompus, de tueurs sans pitié, de businessmen mégalos, de gamins sans espoir… Sous le crayon de Warnant et Gazzotti se dessine une ville sale, violente, mais aussi et surtout, pleine de couleurs, d’ambiances, d’univers qui se côtoient et s’entrechoquent. Références religieuses obligent, la rédemption est toujours possible, mais elle prend parfois la forme inattendue d’un dernier baiser entre une jolie travestie et un flic… travesti en pasteur.

On joue avec les codes du roman noir : même s’il porte un costume et un chapeau mou, Soda n’est pas un privé, c’est un flic qui a ses propres règles, qui n’en fait qu’à sa tête, exaspérant ses supérieurs et laissant derrière lui une armée de cadavres. C’est le cousin des deux Harry, le Callahan d’Eastwood et le Bosch de Connelly. Comme eux sa vie privée est une catastrophe – il vit avec sa mère – et la bouteille de whisky planquée sous son lit l’aide à peine à exorciser ses démons. Comme eux il est moins fonctionnaire de police que justicier, d’ailleurs ce n’est probablement une coïncidence si le roi biblique auquel renvoie son patronyme était connu pour son sens de la justice.

L’une des grandes forces de la série est d’avoir réussi à renouveler ses thèmes à chaque épisode, tout en gardant quelques éléments récurrents qui la place sans conteste dans le registre mythologique, caractéristique du noir : l’ascenseur, les animaux du chef Pronzini, l’aveu sans cesse retardé… Mon tome préféré reste « Dieu est mort », pour son écriture incroyable, cette petite mécanique tragique qui va peu à peu dévoiler les liens secrets qui lient entre eux une poignée de personnages, qui n’ont apparemment pour seul point commun qu’un billet de cent dollars.

Seagull