Hellywood - Journal de Campagne 2

Par Raphaël Andere

Bonjour  à tous !

Le travail continue sur la campagne d’Hellywood, “la justice des anges” et voici le seconde épisode de notre petit journal de conception. cette fois-ci, nous vous parlons du découpage de la campagne, sujet épineux qui a représenté un sacré défi !

Journal de Campagne, épisode 2 - Le découpage

Structurer le chaos

Lors du précédent épisode, nous vous avions entretenu de l’envie fondatrice d’écrire une grande campagne hellywoodienne jusqu’à la définition des intrigues majeures et des thèmes principaux. Aujourd’hui, nous vous proposons d’aborder l’étape suivante, à savoir le mixage et le découpage des trois axes narratifs en une suite de scénarios s’enchainant logiquement. Dans le vocabulaire journalistique, on appellerait cela la conception du « chemin de fer ».

Autant le dire tout de suite, il s’agit d’une étape particulièrement délicate et ce fut la première vraie difficulté que nous avons eu à affronter lors de la conception de cette campagne (la suite n’a toutefois pas coulé toute seule, loin s’en faut, mais on y reviendra dans un prochain journal de campagne). Structure, enchainements logiques, liens de cause à effet : pour une large part, il s’agit d’un travail abstrait, indépendant du contenu même des intrigues et pour lequel il n’a pas été complètement inutile d’avoir un esprit matheux.

Le premier défi est celui de la continuité. A l’inverse d’un scénario one-shot, chaque épisode de la campagne doit prendre en compte ce qui s’est passé jusque-là et ajouter un élément qui ne « tue » pas l’intérêt de l’intrigue mais la relance.

Le second défi est celui de la diversité. Les enquêtes sur les starlettes disparues dont on s’aperçoit qu’elles se sont embarquées dans un tas de sales histoires, ça va bien une ou deux fois, mais à la longue, la lassitude risque de pointer son nez. D’où nos efforts pour varier les genres d’intrigues, les tonalités, les décors… Et respecter l’équilibre entre nos trois axes narratifs.

Le modèle des séries américaines

Heureusement pour nous, nous n’étions pas les premiers à devoir nous confronter au problème de faire avancer trois intrigues parallèles en les étalant sur une ou deux dizaines d’épisodes aux intrigues bien distinctes. Il s’agit du tour de force majeur réalisé par tous les scénaristes des séries américaines, et en particulier ceux de Dexter et de Veronica Mars.

Rassurez-vous cependant : “la Justice des Anges” n’a, au final, rien à voir avec les états d’âmes d’adolescente du personnage incarné par Kristen Bell ou ceux du sociopathe au grand cœur joué par Michael C. Hall. Mais l’analyse de ces deux séries nous a été précieuse, en faisant abstraction de leurs ambiances et thèmes respectifs pour ne garder que la structure d’une enquête policière découpée en plusieurs épisodes.

Dans sa première saison, Veronica Mars enquête sur le meurtre de sa meilleure amie, au fil de vingt-quatre épisodes constituant chacun une histoire à part entière, avec un début et une fin. Le secret de la série consiste à rendre intéressante chacune de ces histoires tout en faisant avancer l’intrigue principale en toile de fond, via une révélation (les Kane ont menti à la police), une question ou un éclairage nouveau sur l’un des protagonistes (maladie de Duncan ou violence d’Aaron).

Même principe chez Dexter, même si l’intrigue principale l’emporte plus sur l’histoire de l’épisode, souvent réduite à la traque et à l’exécution par le héros d’une de ses victimes. Dans la première saison, Dexter enquête sur le « Ice Truck Killer » et ne tarde pas à développer une relation plus que trouble avec lui. L’un des intérêts de la saison est de croiser les points de vue, parfois contradictoires, de différents enquêteurs : le capitaine de police soucieux de son image, la jeune enquêtrice désireuse de se faire un nom et Dexter lui-même, qui en sait plus qu’il n’en dit, ce qui le met en danger plus d’une fois. Une recette évidemment applicable dans notre contexte hardboiled, où on ne peut faire confiance à personne et surtout pas à ceux qui portent un uniforme.

Format

Le premier choix qui vient avec la phase de découpage est celui du nombre et de la taille des épisodes. Deux éléments ont orienté notre réflexion :

  • Tout d’abord, les principes fondateurs définis plus tôt et que nous vous avions exposés dans le premier journal de campagne nous obligeaient à envisager une campagne d’envergure. Trois épisodes, même très fournis, ne suffiraient pas pour couvrir nos trois intrigues principales étalées sur une année entière.
  • Ensuite, le modèle des saisons à plus de vingt épisodes courts, adopté par exemple pour le très télégénique Final Frontier (paru aux éditions John Doe), ne nous a pas paru opportun pour Hellywood, qui est et reste plus littéraire et cinématographique que télévisuel. Nous voulions pour chacun de nos épisodes avoir le temps de développer une histoire à part entière.

Partant de là, il nous a semblé logique de construire une campagne sur une douzaine d’épisodes plutôt « long format », chacun d’entre eux pouvant contenir deux ou trois intrigues se recoupant. Après un premier découpage sur quatorze épisodes et un second sur treize, nous nous sommes finalement arrêtés sur le nombre douze. A moins bien sûr qu’on ne change encore d’avis à la dernière minute !

Progression des intrigues

Ceci décidé, nous pouvions rentrer dans le vif du sujet. Nos trois axes d’intrigue n’étaient que des synopsis en une phrase à peine, il s’agissait de les développer pour en faire de complexes histoires aux multiples rebondissements, s’étalant sur une période d’un an.

Nous avons donc construit, pour chacun des trois axes, une suite logique d’évènements et de révélations qui conduiront les protagonistes de la Justice des Anges de leurs premières découvertes jusqu’à l’élucidation finale du mystère. Il s’agit ni plus ni moins d’une suite d’affirmations reliées entre elles par des flèches, qui constituent le squelette de chacune de nos intrigues principales.

Etonnement, ce travail se rapproche à s’y méprendre de celui de l’enquêteur professionnel. Tels Harry Bosch relisant ses dossiers et échafaudant ses théories jusqu’à une heure avancée de la nuit, nous sommes partis du crime pour retracer le profil du meurtrier, refaire son cheminement et voir où les personnages pouvaient croiser son chemin, en personne ou par indice interposé.

Fiche de scénario

A l’issue de travail de planification, nous avons formalisé la structure de la campagne en remplissant, pour chaque épisode, une fiche d’épisode semblable à celle fournie en annexe. Celle-ci nous a aidé à ne rien négliger pour l’écriture de chaque scénario : cadre extérieur, avancement des intrigues principales, intervention des PNJ récurrents…

Nous vous proposons cette fiche à la fois pour vous montrer les coulisses de la Justice des Anges et aussi, pourquoi pas, pour vous servir si vous comptez écrire une campagne policière (ou pas, à condition de faire quelques ajustements). Voici donc une explication de texte des éléments qu’on peut y trouver :

  • N° et Titre : comme leur nom l’indique. Chaque épisode a connu un titre de travail avant que l’on ne décide, à peu près au moment où le nom « la Justice des Anges » a été adopté, d’un format unique pour les titres des épisodes. Mais nous vous réservons cela pour un prochain journal de campagne… En attendant, le titre de travail a tout intérêt à être le plus explicite possible quant au contenu, de façon à s’y repérer plus facilement.
  • Axes : Indispensable pour savoir quel(s) axe(s) seront abordés dans l’épisode. Et pour veiller à ce que l’on ne parle pas de l’axe A pendant trois épisodes d’affilée pour ne pas l’évoquer pendant les cinq suivants…
  • Période : Parce que pour faire sentir aux joueurs qu’une année s’écoule, il faut montrer la succession des saisons, les fêtes traditionnelles et, particulièrement pour notre campagne, le calendrier de l’élection municipale.
  • Genre : Horreur. Policier. Huis-clos. Paranoïaque. Descente aux enfers. Road-movie. Apocalyptique. Voici quelques-uns des genres abordés par les différents épisodes de la Justice des Anges. Pour varier nos plaisirs d’écriture et, espérons-le, vos plaisirs de jeu.
  • Décor : En plus de la période, nous avons voulu typer chaque épisode en le situant dans un lieu ou un quartier spécifique. Le livre de base proposait une description statique d’Heaven Harbor, la Justice des Anges est notre tentative d’en faire une ville vivante, en animant ses quartiers et ses lieux emblématiques.
  • Accroche : C’est un élément clé de tout scénario, et particulièrement au sein d’une campagne. Si les joueurs ont l’impression qu’ils sont catapultés dans une histoire dont leurs personnages n’ont rien à faire, cela peut mettre en péril même le meilleur des scénarios. De la même façon, une accroche trop répétitive, du style « un parrain de la mafia vous engage pour retrouver untel » risque de conduire au ridicule ou à l’ennui.
  • Intrigue A et B : Pour donner à la campagne toute son ampleur, nous avons intégré dans chaque épisode deux intrigues souvent liées mais conduisant les personnages à découvrir différentes facettes de la vérité cachée derrière la Justice des Anges. Il s’agit d’une ficelle classique mais efficace utilisée notamment dans les bonnes séries télévisées.
  • Scènes : Parce qu’une bonne histoire, au départ, c’est souvent quelques scènes clés, originales, marquantes et qui collent à l’ambiance noire d’Hellywood.
  • PNJ : Cette case nous a servi à repérer les épisodes dans lesquels interviennent les personnages clés de la campagne. Le fait de faire revenir régulièrement le même personnage dans différentes histoires lui donne de la consistance et dans le même temps, chaque PNJ majeur devient une intrigue fil rouge à lui tout seul, qu’il soit ennemi récurrent, mentor, femme fatale ou victime à protéger.
  • Révélation : C’est l’objectif de chaque épisode, la découverte qui fait avancer un ou plusieurs des grands axes narratifs. Cela peut être l’identification d’un coupable, la découverte de l’alliance de deux personnages ou groupes de personnages ou les agissements cachés de l’un des principaux antagonistes. Une bonne révélation ne doit pas tuer le mystère en conduisant directement à la conclusion finale ni ne rien faire avancer, elle doit répondre à l’une des questions que se posaient les personnages tout en rajoutant encore une couche de mystère.
  • Question : Comme nous venons de le voir, chaque révélation s’accompagne donc souvent d’une nouvelle question, à laquelle une révélation future répondra, et ainsi de suite jusqu’à la révélation finale.

C’est tout pour aujourd’hui. Nous vous disons à bientôt !

Fiche de scenario